Je rencontre très (trop) régulièrement, des personnes qui sortent d'une relation toxique avec un pervers narcissique.. Je dis volontairement "un" car c'est un fait, ce sont les femmes qui parlent de cette relation. Il existe des femmes perverses narcissiques, mais comme pour la violence physique, les hommes en parle peu voire pas du tout. C'est déplorable, je vous l'accorde car nous devons prendre conscience que la violence, qu'elle soit physique ou verbale n'est pas que dans le sens homme/femme. J'espère qu'un jour les hommes victimes oseront se livrer sans honte car il n'y a aucune honte à avoir !
Je me suis longuement interrogée : est-ce qu'il y a plus de pervers narcissiques et donc de victimes ? Ou est-ce que mon passé de victime de pervers narcissique fait que j'attire plus facilement à moi les autres victimes ?
Peu importe à vrai dire ....
Sortir de l'emprise d'un pervers narcissique et reprendre confiance en moi a été un long combat, trop long combat mené seule. Si aujourd'hui grâce à cet article je peux vous faire prendre conscience que c'est possible, ce sera déjà une belle réussite.
Tout au long de l'article, je vais faire référence au merveilleux livre de Anne Clotilde Ziégler "Pourquoi suis-je restée". Je vous invite d'ailleurs à le lire.
Pour pouvoir se reconstruire la première étape consiste à comprendre le fonctionnement du pervers narcissique :
La personnalité narcissique a une vision exagérée de sa valeur. Paradoxalement, cette personnalité manque de confiance en elle. Pour maintenir une image d'elle idéalisée, cette personnalité va trouver une personne qui endossera la responsabilité des choses qui tournent mal . Son narcissisme sera ainsi sauf.
La séparation est certes le premier pas vers la libération de l'emprise que l'autre a sur vous. Lorsqu'il y a des enfants, la libération n'est cependant pas totale lorsque vous décidez de quitter le domicile conjugal. La violence psychologique continue, l'emprise est la plupart du temps toujours là et la reconstruction est difficile, voire impossible.
Le pervers narcissique met un point d'honneur à rendre sa victime "folle". "Le raisonnement est simple : il s'agit d'un retournement dans ses motivations profondes : ce n'est pas moi qui suis fou, c'est l'autre. L'enjeu de survie psychique rend la manoeuvre acharnée" dit Anne Clotilde Ziégler. De plus, "Quand le prédateur parvient à entraîner sa proie dans un univers psychique instable, incohérent, angoissant, il n'est plus seul avec son vécu. Il a réussi a transmettre sa psychose à l'autre, comme si au fond il s'agissait d'une normalité, et cela le rassure".
L'habituation fait ensuite partie intégrante de l'emprise : la victime finit par penser que la situation est normale et que c'est elle qui a un problème, pas le prédateur.
Pour comprendre le mécanisme de l'habituation, l'autrice illustre l'image par la légende de la soupe à la grenouille dont voici la recette : "mettre la grenouille dans une casserole pleine d'eau à température ambiante puis monter l'eau d'un degré toutes les heures. Quand l'eau devient trop chaude, la grenouille est déjà trop cuite pour réagir". Ca illustre parfaitement, pour l'avoir vécu, le mécanisme de l'habituation mis en place par le pervers narcissique.
La victime peut passer par différentes étapes, de la sidération (disjoncteur neurologique qui saute), l'empêchant ainsi de réagir, à la dissociation, agissant ainsi comme un automate, en passant par l'amnésie post traumatique.
Pourquoi moi ? C'est la question se posent les victimes en séance, elles se sentent responsables. Contrairement à ce que beaucoup de victimes pensent, ce n'est pas elles qui ont choisi ce pervers narcissique, c'est lui qui les a choisies. Le pervers narcissique sait repérer ses proies. Il va prendre soin de choisir une personne avec beaucoup de prestance, de qualités, pouvant ainsi s'identifier à elle, jusqu'au moment où il va prendre conscience qu'il ne pourra pas avoir ses qualités. La phase de destruction va alors commencer.
Le pervers narcissique va également choisir des personnes avec une forte blessure d'enfance, une hypersensibilité, ce qui lui permettra plus facilement d'opérer. Imaginez par exemple une proie ayant une forte blessure d'abandon. Le pervers narcissique, en phase de séduction, va combler cette blessure, va rassurer la proie, lui laissant ainsi penser qu'elle a trouvé l'homme idéal. Puis en phase de destruction, il va opérer en sens inverse, il va réactiver cette blessure d'abandon,poussant sa proie à exprimer sa peur par des colères pour pouvoir ainsi lui dire qu'elle est hystérique et paranoïaque. La proie, se rappelant du début de relation idyllique, va en conclure qu'il a raison et qu'elle a un problème.
Comment faire alors pour se reconstruire une fois que nous avons identifié que nous avions une croyance erronée ?
Le conditionnement quotidien à coup de "tu es nulle", 'tu es moche", tu es grosse", "sans moi tu n'es rien", "tu es bonne à rien", "on ne peut pas te faire confiance", "tu n'es pas capable de t'occuper des enfants" ..... et j'en passe, rend extrêmement difficile la reconstruction.
Le pervers narcissique attaque ainsi les 3 piliers suivants : l'estime de soi, l'acceptation de soi et la confiance en soi. Une fois ces 3 piliers détruits, vous êtes sous son emprise totale.
Une des solutions consiste donc à reconstruire ces 3 piliers.
Avec une thérapie plus ou moins longue, avec des outils tels que la TCC, les mouvements oculaires (EMDR, IMO, Brainspotting) entre autres, vous allez pouvoir, petit à petit reconstruire ces 3 piliers
Nous l'avons vu également, le pervers narcissique "joue" avec votre blessure d'enfance. Si vous faites un travail thérapeutique sur votre blessure d'enfance, il n'aura alors plus de moyen de pression sur vous, vous pourrez vous libérer de son emprise sur vous. Pour ce faire, je ne peux que vous recommander la thérapie de l'enfant intérieur.
Enfin, moins évident à assimiler et bien souvent moins bien accueilli par les victimes, une des étapes est le pardon. Bien souvent, voir à chaque fois, à la première évocation du pardon, j'ai le même retour : "Pardonner ? Jamais !". Pardonner ne signifie pas pardonner l'acte lui-même. Cela ne représente pas un acte pour libérer l'autre, mais pour se libérer soi. Pardonner, c'est reprendre le contrôle de sa vie, c'est avancer tout simplement. Cette étape là arrivera le moment venu. Rassurez-vous, il est fort possible et tout à fait normal qu'en étant au début du processus de guérison, vous ne soyez pas prête, en tant que victime, à pardonner.
J'espère que ce court article vous éclairera un peu. Le sujet est vaste et complexe, et ne peut pas se limiter à un article de blog, je pourrais écrire des tomes entiers pour vous donner toutes les clés.Néanmoins, vous êtes un être unique, et comme tout être unique vous avez besoin d'une thérapie centrée sur vous, sur votre parcours. La théorie va vous aider à prendre conscience de certaines choses mais la guérison totale va nécessiter de l'aide.
Alors si vous avez envie de reprendre votre vie en main, si vous voulez couper définitivement le lien toxique qui vous entraîne malgré vous vers votre destruction, trouvez le thérapeute et la thérapie qui vous conviendra le mieux, faites vous aider. Et si vous êtes un homme, n'ayez pas honte, la violence n'a pas de sexe, demander de l'aide n'est pas un acte de faiblesse.
Pour conclure je vous invite à regarder ce merveilleux film de Valérie Donzelli "L'Amour et les forêts" qui nous fait suivre le parcours d'une femme qui va sombrer dans une relation toxique. Ce film se passe de commentaire, il se regarde, il se vit au travers des images, il nous fait prendre conscience de ce qu'est une relation toxique. Pour ma part il m'a renvoyée dans mon passé, dans une relation qui m'a fait plonger dans l'enfer. J'ai pu regarder ce film sans réactiver le traumatisme, je suis guérie, totalement guérie. Vous aussi vous pouvez donc guérir et je vous le souhaite.Il y a une vie après l'horreur, une belle vie ......
Comments